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Digressions
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Considérations sur nos amis Je ne pouvais pas poursuivre ma tournée de vitriol sans passer par les chasseurs. Je n’ai jamais eu le militantisme dans l’âme, ni la vocation porte-drapeau et je garde mes opinions politiques pour moi. Mais lorsque François Cavanna déclare : « Je n’admets pas qu’on puisse faire joujou avec la mort. », je lui accorde une franche et inconditionnelle adhésion. Chasseur, définition : être humain (ah oui ?), considéré a priori comme juridiquement capable et censé posséder toutes ses facultés de discernement. Le chasseur jouit de tous ses droits civiques, dont celui de mettre un bulletin dans l’urne, à défaut de mettre un bouquetin dans son carnier. Distinguons deux races principales de chasseurs. Le chasseur des villes se repère grâce à son air distingué, ses vêtements cossus, une fine arme anglaise gravée, un chien de race. Il paye fort cher pour tirer des faisans d’élevage le jour de l’ouverture, dans quelque chasse rambolitaine qu’il affectionne particulièrement, car dans « rambolitaine », il y a… Rambo. Vous le reconnaîtrez facilement à son maintien raide et altier, d’où arrogance, mépris et suffisance se dégagent à cent lieues à la ronde. Son chapeau à plumes y est pour beaucoup. A quelques encablures de là, le chasseur des champs est né sur le lieu même de ses exploits. Sûr de son bon droit, Il oeuvre sur la terre de ses ancêtres, argument implacable. Souvent d’origine plus modeste que son homologue des villes, il affectionne les surplus militaires complétés par une paire de bottes en caoutchouc qui lui permettent de se déguiser le dimanche à moindres frais. Treillis, cartouchière remplie autour du bide, couteau de chasse à la ceinture, oeil morne et visage rubicond, sa mise est sobre. Plus sobre que lui, en tout cas. Le chasseur est convivial ! Il s’assure toujours que les verres de ses compagnons sont pleins avant de refaire son niveau. En fin de saison, lorsque le gibier commence à se faire rare ou plus méfiant, on observe régulièrement un double phénomène : une altération de la convivialité, directement liée à une hausse de la mortalité dans les rangs des chasseurs. En effet, éthylisme et ennui se conjuguant, notre Nemrod favori adopte, à l’occasion, une fâcheuse tendance à envoyer une balle à un de ses congénères. Chez les initiés, on déplore familièrement : « Gégé a fait le con, hier ! Plein comme un boudin, il a dézingué Gaston…». Avec toute la retenue qui la caractérise, la presse locale relate « un malheureux accident de chasse ». Le chasseur respecte et aime la nature. Le matin, à l’aube, il remise son vieux 4X4 qui pisse l’huile au bord d’un chemin. Puis, en formation serrée, méthodique, il quadrille le territoire avec ses compagnons. Tout cela est d’une précision militaire : pas une musaraigne ne peut en réchapper. Le mitraillage en règle commence alors, rythmé par le doux « clic » des éjecteurs de sa pétoire qui envoient à dache les cartouches vides que personne ne ramasse. Le disciple de Saint Hubert est fier de ses valeurs : le respect de la nature et du gibier, qu’il massacre proprement. Quoi du plus propre, en effet, qu’une chasse à courre à l’issue de laquelle on achève l’animal déjà presque mort d’épuisement à coups de dague, tandis que les chiens de meute dévorent les « bas morceaux » ? Poursuivons : le chasseur sera intarissable sur le « travail du chien », qu’il admire. Car dans cette équipée sanglante, c’est encore le clebs qui travaille le plus, parfois bien mal récompensé d’une volée de plombs malencontreusement envoyée par un maître somnolent, qui digère peinard sa sauce grand veneur et son Gigondas, solidement avachi sur son trépied de battue. Si dans un match de foot, les premières minutes de la seconde mi-temps sont les moins intéressantes, celles de la reprise d’une battue après-déjeuner sont les plus dangereuses… Et pas pour le gibier ! C’est d’ailleurs de là que vient l’expression : « chasser le poil et la plume ». La plume, c’est l’épouse putassière qui s’en charge car elle aussi sait se montrer très conviviale à l’égard de son voisin de palier ou de hameau, pendant que son cornard traque le lièvre ou le perdreau. Mais ce sont sûrement des ragots, ne comptez pas sur moi pour les colporter ici. Tout bien considéré, chasseurs, je ne vous trouve aucune circonstance atténuante. J’adore contempler vos exploits flingueurs, hors saison de chasse, lorsque vous venez vous « entraîner » au ball-trap. Dieu merci, huit sur dix pris au hasard parmi vous rateraient un éléphant dans un corridor, le gibier a encore de beau jour devant lui ! Le seul d’entre vous qui soit sympathique à mes yeux est Elmer, parce qu’il essaye en vain depuis des lustres, de mettre Bugs Bunny dans sa besace. Bien sûr, tout ceci est très exagéré… Qu'on se le dise ! |
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a Digressions impertinentes sur la société, la vie et ses rôtis de veau.
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